dimanche 20 juin 2010

son dernier mort…


à propos de Le dernier mort de Mitterrand de Raphaëlle Bacqué (Grasset et Albin Michel, 2010)

Une impression générale : écrit à la dague — je veux dire que l'écriture en est à la fois effilée et pointue, peaufinant les virgules et recherchant les mots qui cinglent. Belle ouvrage ! Un texte respectueux du lecteur qui l'accueille, l'accompagne dans un environnement inquiétant, lui donne envie d'y rester, d'y revenir…

Le sujet : François de Grossouvre, conseiller de l'autre François — Mitterrand — se suicide au palais de l'Elysée, le 7 avril 1994, en se tirant une balle sous la gorge. 357 magnum sous le menton, explosion de sang et de fragments de cervelle sur les murs, les tentures et les fauteuils. D'où le premier enseignement : les morts font surgir les vieilles affaires enterrées. D'où le second enseignement : l'intérêt des morts, qu'on se le dise !

Où l'on revient sur la seconde famille de Mitterrand, Anne et Mazarine Pingeot, dont François de Grossouvre était le parain, qui habitaient l'appartement au dessus du sien. Ce secret que Grossouvre partageait avec Mitterrand lui donnait la sensation d'être protégé. Et l'on ne peut que s'étonner que le secret de cette seconde famille ait été préservé durant tout le mandat du Président Mitterrand alors que la plupart des journalistes étaient au courant. Une presse aux ordres ? … qui n'avait pas vraiment l'habitude de la démocratie, en tout cas…

Où l'on est attristé par la simplicité un peu naïve du conseiller occulte, passionnément épris de Mitterrand jusqu'à ignorer sa disgrâce.

Où l'on pénètre les arcanes du pouvoir au quotidien. Comment un chef maintient-il sa position? Un chef d'une grande nation, de dizaines de millions de sujets… Et où l'on constate qu'un chef est l'homme qui ne craint pas de trahir, qui prend soin de multiplier ses sources d'information, qui est suffisamment narcissique pour supporter que sa position implique la perte de celle de bien d'autres.

Une leçon politique sur l'exercice du pouvoir et surtout sur le danger qu'il représente pour ceux qui éprouvent des sentiments.

TN


1 commentaire:

Unknown a dit…

Comme souvent, Il y a quelque chose de Balzac dans le dernier livre de Baqué qui a choisi une thématique originale pour parler de politique: le lien étroit qui unit la politique, la force du pouvoir et la destruction. La mort qui rode autour des puissants. Très bon livre, écrit comme un roman .